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25 octobre 2007

Les banlieues

LES BANLIEUES

 

Deux ans après les émeutes de l'automne 2005, qui avaient débuté le 27 octobre après la mort de deux adolescents à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, la situation n'a pas fondamentalement évolué dans les banlieues françaises. Personne n'a oublié le lourd bilan de trois semaines d'affrontements : 10 000 voitures brûlées, 300 bâtiments incendiés, 4 700 arrestations.

 
 

 

 

Aujourd'hui, élus locaux et responsables associatifs évoquent des quartiers "sensibles" en situation de grande fragilité. "On est en permanence à la merci d'un incident qui déclenche des violences", note Pierre Cardo, maire de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), député UMP. "Le cycle des violences dans les banlieues n'est pas terminé. On ne sait pas comment, ni où, mais ça peut toujours repartir", explique Jean-Pierre Balduyck, maire PS de Tourcoing (Nord).

Les promesses du gouvernement Villepin de "faire de ces quartiers sensibles des territoires comme les autres de

la République

" avaient suscité une "attente considérable", relève Corinne Bord, vice-présidente de

la Fédération Léo-Lagrange.

"La désespérance est réelle, parce que rien n'a changé : les gens qui n'avaient rien à manger n'ont toujours rien à manger", explique cette responsable associative. Une analyse partagée par Manuel Valls, maire d'Evry, député PS : "La conséquence, c'est qu'il y a sans doute un peu plus de résignation face aux difficultés dans les domaines de l'emploi, de la sécurité et du logement."

Dans ce contexte, la démarche de concertation lancée en octobre par la secrétaire d'Etat à la politique de la ville, Fadela Amara, pour préparer un nouveau "plan banlieue", laisse les acteurs locaux sceptiques. "On n'est pas en manque de diagnostic ou d'expertise sur les banlieues. Il faut passer à l'action, et non demander l'avis d'adolescents de 15 ans sur un blog", s'insurge Karim Zéribi, président d'APC Recrutement, association qui met en relation entreprises et jeunes diplômés des quartiers. "On va débattre des sujets sur lesquels nous débattons depuis des lustres. J'aurais préféré avoir des propositions concrètes", ajoute M. Cardo.

Sur le terrain, le principal point noir reste l'emploi. L'ANPE souligne certes que le nombre de demandeurs d'emploi dans les ZUS (zones urbaines sensibles) a évolué comme dans le reste du territoire, avec une baisse d'un peu plus de 10 % entre 2005 et 2006. Mais le taux de chômage demeure, globalement, deux fois plus élevé dans les ZUS. Malgré les actions des missions locales et de l'ANPE, l'insertion sociale par le travail demeure problématique. "Il n'y a pas de signe tangible d'évolution. Les entreprises continuent de ne pas faire confiance aux jeunes, jamais assez bien formés, et aux vieux, qui ont le malheur d'avoir plus de 50 ans", souligne ainsi Gilbert Roger, maire socialiste de Bondy (Seine-Saint-Denis).

Depuis 2005, avec la hausse du marché immobilier, la situation du logement s'est dégradée pour les milieux populaires. "En Ile-de-France, c'est aujourd'hui plus difficile pour un jeune d'accéder à un logement autonome que de trouver un emploi", relève Michel Abhervé, un des responsables de l'Union nationale des missions locales (UNML). "Je n'avais jamais eu de rentrée avec autant de demandes de logements sociaux à Evry. Cela se traduit notamment par une grande difficulté, pour les jeunes couples, à quitter le domicile parental", constate le maire d'Evry, Manuel Valls.

L'Etat et les collectivités locales ne sont pourtant pas restés inactifs. Les politiques de rénovation urbaine (réhabilitation et reconstruction de logements) et de réussite éducative (réseaux de suivi des élèves décrocheurs) sont unanimement saluées. Mais ces dispositifs, mis en place avant les émeutes de 2005, sont jugés insuffisants. "La rénovation urbaine est positive. Mais ce sont les moyens humains, les professionnels adultes, qui permettent de maintenir le lien social. Or, la tendance est à la diminution des moyens avec le non-remplacement d'une partie des fonctionnaires", explique Stéphane Ouraoui, président de l'association Pas de quartier, tous citoyens.

Malgré l'affectation de moyens supplémentaires après les émeutes, les associations sont toujours confrontées à des difficultés de financement. Elles se plaignent des retards de paiement des subventions et de leur remise en question annuelle par l'Etat. "Les forces vives se démènent avec des bouts de ficelle dans les quartiers", souligne Karim Zéribi, président d'APC recrutement.

Elus et responsables associatifs s'alarment aussi des tensions constantes entre la population et la police. "Sur le terrain, il y a régulièrement des troubles entre les forces de l'ordre et des jeunes de 14 à 18 ans qui sont un peu laissés à eux-mêmes", constate Hassan Ben M'Barek, membre du Conseil national des villes (CNV). La critique vise l'organisation de la police voulue par Nicolas Sarkozy en 2002. "Il n'y a pas de confiance. Les policiers, sur le terrain, font ce qu'ils peuvent mais ils manquent de relais, faute de disposer d'une police de proximité", relève Gilbert Roger, marqué par le caillassage récent de policiers et de pompiers, à Bondy, lors d'une intervention sur l'incendie d'une crèche.

Les maires de droite comme de gauche insistent aussi sur le comportement antirépublicain de groupes de jeunes en situation de rupture. "On a toujours une partie de la population qui se met en marge de la société et s'oppose à l'autorité de l'Etat", note Pierre Cardo. Des attitudes de rejet qui visent aussi les élus. "Beaucoup de maires signalent qu'ils sont aussi visés dans les agressions", s'inquiète Jean-Pierre Balduyck. Ces élus rappellent que les effets de la politique de la ville se mesurent sur des décennies, voire des générations.

Luc Bronner

Article paru dans l'édition du

26.10.07.


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